Le voyage magnifique ou le voyage galère ?

Il était temps que je publie ces articles ! Revenons quatre mois en arrière :

Trieste, 7 octobre 2019, exactement un mois après être arrivé ici à pieds.

Nouveau départ, nouvelle aventure ! Objectif, rejoindre la Grèce et sa capitale à vélo, en traversant les Balkans et en longeant plus ou moins la mer Adriatique, région que je ne connais absolument pas. J’ai près de 2000km devant moi, je suis tout excité !

Après avoir remonté mon vélo dans la gare, passé la nuit à l’ostello et posté mon sac de transport de vélo à Athènes (maintenant je suis « obligé » d’y arriver), je pédale 25km jusqu’à Muggia, de l’autre côté de la baie, et retrouve le point précis où j’ai terminé ma randonnée Trans’Alpina. Je pars « pour de vrai » d’ici et connecte ainsi les deux voyages.

Que je suis content de retrouver mon vélo et de rouler à nouveau ! 😀

Partie 1 – la Croatie

Alors pour être précis, avant d’entrer en Croatie, j’ai roulé dans deux autres pays : En quittant Muggia je suis toujours en Italie, mais pour seulement quelques dizaines de km, je m’enfonce dans les terres et commence à grimper. Je m’élève au dessus de la baie de Trieste, m’éloigne de la civilisation, rejoins rapidement la Slovénie et retrouve aussi la difficulté de la grimpette à vélo.
Cependant, le pire avec mon vélo de route ce ne sont pas les montées mais les chemins de terre, et, alors que ça fait à peine 2h que je roule, le GPS de mon téléphone a décidé de m’emmener sur un véritable chemin de VTT. 2km à pousser mon vélo et à éviter tant bien que mal les gros cailloux, bon je ne me ferai plus avoir par cette appli, dorénavant je vais suivre le tracé que je m’étais fixé.

Il est 14h, je passe un petit poste frontière et fais mes premiers coups de pédale dans ce nouveau pays qu’est la Croatie, youpi je peux ajouter un nouveau drapeau à ma collection !

À Jelovice, premier hameau que je traverse, je fais une pause picnic où le hasard me fais rencontrer Louis et Victoire, un couple extraordinaire : avec leur grand bâton en bois, ce sont des pèlerins, ils sont partis de Paris et vont jusqu’à Jérusalem, à pieds ! Je suis très heureux d’échanger avec eux, j’ai l’impression de rencontrer en vrai les Poussin ou les Cortès, mes idoles quoi. 🙂 (vous pouvez les suivre sur ce site particulièrement bien fait).

Après leur avoir souhaité bon chemin, je repars pour une magnifique deuxième partie de journée, avec beaucoup de descente, en fait c’est simple il faut que je redescende tout ce que j’ai monté, puisque je compte m’arrêter à Rijeka, au niveau de la mer. Je ne croise presque aucune voiture sur cette petite route qui serpente entre les vertes collines, dans les pentes je fuse à 50km/h, il faut se le dire : les descentes à vélo c’est le gros kif !

La Croatie est vraiment magnifique ! Ce n’est que mon deuxième jour mais j’adore déjà, et ce malgré les 1700m de montée qui me font bien fait mal aux jambes. Grimper à près de 800m d’altitude, sur une petite route déserte dans un décor karstique, m’offre une délicieuse solitude et une vue incroyable qui porte loin sur la mer et les nombreuses îles croates, je suis au paradis ici ! En tout cas cette rando vélo est pour l’instant à la hauteur de mes espérances.

Après une troisième journée compliquée sous la pluie (je me demande si j’ai bien fait de partir à l’automne), je vais enchaîner 19 jours de ciel parfaitement bleu, pas un nuage pendant presque trois semaines ! (Bon en fait si j’ai bien fait :)).

Quatrième jour, je me sens en forme et pédale près de 140km à travers la campagne croate, traverse le joli village de Skradin ainsi que quelques petits hameaux, où, pour la première fois de ma vie, je me fais poursuivre par des chiens qui aboient, ce qui n’est pas une expérience vraiment rassurante.

Cinquième jour, première galère : en fin de journée hier ma roue arrière s’était voilée, et en voulant la réparer ce matin je réalise qu’en fait il manque carrément un rayon ! C’est une mauvaise nouvelle mais je ne suis pas loin de Split qui est une ville assez grande alors je pédale jusque là-bas avec l’espoir de trouver un magasin de vélo. J’en trouve cinq mais aucun ne possède de modèle adapté à ma roue, là ça commence à se compliquer…
J’explore toutes les solutions auxquelles je pense : faire l’aller-retour à Zagreb en bus, commander des rayons sur internet, me les faire envoyer par des amis, changer carrément de roue, j’essaye même (sans succès) de mettre un rayon de la mauvaise taille… En tout cas rouler 1500km avec un rayon en moins est exclu, ce serait le meilleur moyen de définitivement détruire ma roue.

Je trouve finalement un site web anglais qui peut m’envoyer le bon modèle de rayon en moins de cinq jours (en théorie…). Spoiler : le colis va en mettre onze.

Dans le même temps je me suis trouvé un petit camping sympa à côté de Split, où je fais mon premier repos forcé de trois jours. Au début frustré de ne pas rouler, je profiterai finalement bien de la mer et de la piscine du camping. Se reposer ça fait du bien, ça arrive juste un peu trop tôt dans le voyage. 🙂

J’ai tout de même eu la bonne idée de me faire envoyer mes nouveaux rayons à Dubrovnik, 200km plus au sud, comme ça je ne reste pas complètement inactif à Split. Je repars donc du camping pour deux journées de vélo, après avoir mis un des rayons de ma roue avant à l’arrière (car il y a beaucoup plus de poids à l’arrière du vélo), malgré tout je ne suis pas tout à fait serein et j’espère ne pas abîmer ma roue sur cette distance relativement courte.

Fort heureusement pour la bonne santé de mon vélo la route que je suis, la D8, a un très bon revêtement. C’est une route un peu large et assez passante, se faire doubler par des camions n’est pas franchement agréable. Mais c’est largement compensé par le paysage littoral absolument magnifique : ma route serpente, monte et descends aux pieds de montagnes calcaires parfois assez hautes, rappelant presque les Calanques. Sur la droite s’étend la mer bleue marine délimitée à l’horizon par les nombreuses et grandes îles croates, au premier plan elle surplombe des végétations de pins très verts, des petits villages aux toits rouges et de nombreuses petites criques à l’eau bleue turquoise.

Pendant deux jours j’en prends littéralement plein les yeux.

Je passerai aussi par la Bosnie-Herzégovine, dont le littoral d’à peine 10km est l’un des plus petits du monde. Je passe donc moins d’une heure dans le pays, et ajouter le drapeau à ma collection me semble de la triche !

En me rapprochant de Dubrovnik, le soleil décline sur la mer parsemée de nombreuses petites îles au relief proéminent, c’est beau, c’est juste beau.

Dubrovnik, la perle des Balkans.

Une perle malheureusement sacrément touristique…
Mais la vielle ville, « Stari Grad », vaut quand même le détour.

Cernés de hauts remparts qui surplombent la mer, les nombreux toits couleurs de brique, dont quelques clochers dépassent, abritent une multitude de petites ruelles escarpées. Au centre se trouve la rue principale où grouillent les groupes de touristes, glace à la main, perche à selfie dans l’autre.
Le tourisme a des mauvais côtés, tout est cher ici, et même faire le tour du mur d’enceinte sur les remparts coûte 200 kunas (presque 30€). C’est scandaleusement cher, mais je ne me suis pas entraîné à la salle d’escalade toute cette année pour rien, alors (après quelques hésitations tout de même), je trouve un endroit tranquille et pas trop haut pour escalader et me hisser sur la muraille.
Me voilà en haut, dominant la ville, je suis trop content ! Un couple d’anglais qui m’ont vu grimper me lancent : « Ballsy man ! ».

Je vais passer longtemps au sommet de la plus haute tour de la muraille, à contempler cette ville incroyable qui donne l’impression d’être plongé dans le passé, ou dans un autre univers : pour les fans de la série Game of Thrones, on se croirait bien dans King’s Landing !

Je marche en équilibre sur les remparts, je regarde les falaises, la mer et l’île de Lokrum, puis je me fait contrôler sans ticket alors je redescends, bêtement content de moi, et rentre à pieds jusqu’à mon camping. Où encore une fois je peux profiter de la piscine démesurément luxueuse de l’hôtel voisin.

Bon Dubrovnik c’est cool mais je n’avais pas prévu d’y passer autant de temps.

Chaque jour je vérifie sur internet ou appelle la compagnie de livraison qui continue de me dire que le colis contenant mes rayons de rechange est bloqué en Autriche.

3 jours, 4 jours, 5 jours… Cette sédentarité commence à me peser, et je ne veux pas bouger du camping car c’est ici qu’est censé arriver mon colis.
Mon rituel n’est pas si désagréable, le matin je vais nager dans la piscine ou la mer, je bouquine au soleil. L’après-midi je dessine, j’écris où je vais me balader dans les environs.

C’est là qu’arrive la deuxième galère : en manque de sport je pars courir dans la belle colline qui surplombe la vieille ville, la vue y est super mais en redescendant à grande enjambées, mon pied tape une pierre et je m’affale de tout mon long sur le chemin de pierres. C’est fou ça, première fois de ma vie que je tombe en courant ! Main gauche et genou droit en sang, je rentre en boitillant…
Inquiet pour mon genou très douloureux je vais même aller à l’hôpital dans la soirée, finalement plus de peur que de mal, je n’ai rien de grave mais je passe quand même les trois jours suivants à boiter. Je ne sors donc même plus du camping.

Dans mon immobilité, j’ai la chance de voir débarquer dans mon camping successivement Caro et Denise, puis Céline et Clément, quatre cyclotouristes français qui voyagent à vélo ! Les premières sont parties de Grenoble et vont jusqu’à Istanbul, les suivants vont de Turin à Athènes.
Nous partageons quelques pic-nics, apéros et beaucoup d’histoires de voyage, vivent les rencontres en voyage !

6 jours, 7 jours, 8 jours, j’ai bien avancé dans mon bouquin mais j’ai la bougeotte ! Car même si c’est agréable de se reposer aussi, ce n’était pas vraiment l’objectif du voyage..

Le 24 octobre vers midi, la réception m’appelle, il y a un un colis pour moi. Yes ! Je crois que j’ai rarement été aussi content d’ouvrir un paquet ! Mes nouveaux rayons sont exactement de la bonne taille, et ma douleur au genou s’est bien estompée. Je peux enfin repartir ! 😀