Jour 25 : Belagua – Chalets Pedro (abri Aterbea)

Jour 25 : Belagua – Chalets Pedro (abri Aterbea)

30 août
37,8km, 1450m D+, 2130m+

On peut dire que cette journée s’est passée en deux parties :
– Partie 1 : Belagua – Iraty (9h) : les crêtes, l’Ohry et le vent.
– Partie 2 : Iraty – je ne sais pas où : l’enfer de la perdition.

Partie 1 :

Je fais mes adieux à Bruno en quittant le refuge et commence la journée avec une petite montée qui me fait arriver à un col herbeux, je rejoins ainsi la frontière que je vais longer pendant une bonne partie de la journée.
On avait bien entendu le vent souffler cette nuit, mais le subir ce n’est pas pareil, il est si fort que je mets mon buff sur mes oreilles douloureuses, j’ai tout de même de la chance, je pense qu’il est sud-est et qu’il me pousse plus qu’il me freine.

J’ai pris de la hauteur et peux admirer la beauté des grandes prairies vertes basques, j’alterne les versants, passe souvent d’un pays à l’autre, marche sur de grandes crêtes herbeuses, croise quelques vaches qui paissent tranquillement, et admire le paysage de tous les côtés. Je suis bien.

Depuis le col Uthu j’ai en ligne de mire le Pic d’Ohry, dernier « 2000 » de la chaîne, il semble encore bien loin mais je sais que je le passe aujourd’hui . En suivant la crête je longe de nombreuses palombières (ou « tir-au-vol »), petits abris carrés fait de planches de bois souvent peintes en vert.
Vers le Port de Larrau, je fais une petite pause pique-nique à l’une d’elle pour m’abriter du vent, avant d’aborder la montée vers le sommet de l’Ohry.

2017m, c’est la bonne année pour gravir ce pic ! La vue est splendide et porte loin des deux côtés, il paraît que par beau temps on peut voir l’océan d’ici, pour moi ce sera pour plus tard. De majestueux vautours tournoient au dessus de moi tandis que je descends la crête assez escarpée.

Col de Tharta, crête de Millagaté, je croise beaucoup plus de brebis et de vaches que de randonneurs aujourd’hui, il y a des pâturage partout dans le Pays Basque ! Vivement que j’achète du fromage de brebis.

17h15, je suis arrivés aux Chalets d’Iraty du col Bagargui (le 14ème col de la journée !). Je ravitaille à la petite épicerie et achète du brebis d’Estive à deux basques.
Il est encore assez tôt et je me dis que je peux marcher encore 1h30 jusqu’aux Chalets Pedro, je ne sais pas encore ce qui m’attends…

 

Les montagnes « pointues » d’où je viens.

 

Col Uthu et Pic d’Ohry.
Le pic d’Ohry est le dernier « 2000 » de la chaîne, je vais suivre la crête à gauche jusqu’à son sommet.
De nombreuses palombières (ou « tir-au-vol ») bordent le chemin.
La vue porte loin d’où je viens.
Tanguy content, au sommet de l’Ohry (2017m), c’est la bonne année pour gravir ce pic.
Aujourd’hui je croise plus de brebis et de vaches que de randonneurs.

 

Partie 2 :

17h30, c’était pourtant simple, il suffisait de récupérer le gr10 au col Bagargui et le suivre pendant environ 1h30 jusqu’à l’abri Aterbea vers les chalets « Pedro »…

Je suis le balisage rouge et blanc, au bout de 10min un épais brouillard et quelques gouttes de pluie s’invitent, mais je garde le moral, s’ils étaient arrivés plus tôt dans la journée quand j’étais sur les crêtes, ç’aurait été bien plus dur.

Je commence à avoir des doutes, le chemin semble aller vers l’est, sur la route j’arrête une voiture qui me dit que je suis dans la bonne direction pour les chalets Pedro, me voilà rassuré.

19h15, la pluie s’est arrêtée mais toujours pas d’abri en vue, je continue dans la forêt en me posant de plus en plus de questions, je ne suis tout de même pas assez nul pour avoir pris le GR dans le mauvais sens.

Je m’obstine sur ce chemin qui va vers l’est, je ne sais pas pourquoi je ne sors pas mon topo, confiant dans ce que m’a dit le conducteur tout à l’heure. Je râle contre ce chemin qui ne mène nul part, il est bientôt 20h, je ne peux quand même pas me résigner à faire demi-tour, c’est pas possible, ça me ferait marcher dans la nuit à la frontale et je n’arriverais pas avant 22h30 aux Chalets d’Iraty…

Je finis par sortir mon topo, à aucun moment le chemin ne fait de détour vers l’Est, putain Tanguy tu t’es trompé de sens, t’es vraiment trop con ! J’enrage, je peste tout fort, ça fait plus de 2h30 que je marche dans la mauvaise direction, je ne suis pas bien là, des larmes me viennent presque aux yeux.

Je décide de couper à travers champs pour descendre jusqu’à une route que j’ai vu en contrebas, espérant retrouver la civilisation. Je commence à la suivre (dans le sens inverse du GR), en priant pour qu’une voiture passe, mais à  20h30 sur une petite route de montagne il n’y a personne.

Il est presque 21h, je ne sais pas où je suis et je ne croise que quelques fermes désertes, je commence à être inquiet. Il fait de plus en plus sombre et froid et je n’arrive pas à arrêter de me morfondre sur mon erreur stupide.

Quand soudain, après un virage, je vois quelqu’un au téléphone sur le bord de la route. Oh yes ! Je suis juste trop content, je n’ai jamais été aussi content de voir un être humain !

François Blanc est mon sauveur de ce soir, après m’avoir montré où je suis sur sa carte (bien bien loin à l’est des chalets d’Iraty), il me descend vers la grande route avec sa petite camionnette aménagée en camping-car, je ne cesse de le remercier.
Sur la plus grande route j’ai encore beaucoup de chance, une camionnette de deux bûcherons espagnols me prend en stop, ils montent vers le col Bagargui. Quand je leur parle des Chalets Pedro ils s’exclament qu’ils peuvent m’y déposer, j’accepte bien sûr, trop content de pouvoir dormir là où je voulais dormir ce soir. Tant pis pour la petite partie Iraty – Chalets Pedro que je n’aurais pas fait à pied, vu le détour d’au moins 10km que j’ai fait, ce n’est pas grave. En plus il s’est mis à pleuvoir à verse.

Quand je raconte ma mésaventure à une dame des cuisines des Chalets Pedro, elle m’offre des restes de repas, du gâteau basque et une bière, trop sympa.
22h, sous la pluie battante je remonte le petit bout de route jusqu’à l’abri Aterbea. J’y retire mes affaires mouillées et me pose sur mon matelas pour déguster ma bière et mon brebis sur du pain.

J’ai froid, il est tard, je suis exténué, mais content d’être là où je voulais être,. Malgré tout je n’arrive encore à me remettre des mes émotions de cette longue journée…

 

Un Tanguy exténué après une journée de presque 14h.

 

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