Jour 13 : Sospel – Menton
Jeudi 20 août :
20,2km, 1130m D+, 1600m D-, 6h étape, 5h marche
Anecdote sur le camping hier soir. Il y avait une famille dans une assez grosse caravane, quand je suis passé devant, ils étaient en train de dîner sous le auvent devant une petite télé, quand je suis repassé la deuxième fois ils étaient sur leur canapé toujours devant la télé. En fait ils font exactement la même chose que chez eux, j’ai du mal à imaginer que ce sont des vacances… (Enfin je ne suis personne pour juger, si ça leur plait tant mieux).
Je me réveille, reposé et l’impression d’avoir bien dormi, j’entends toujours les voisins qui font du bruit, bizarre, ah bah oui il n’est que minuit et demi.
Je me lève 6h plus tard et quitte le camping encore majoritairement endormi en me disant que l’étape d’aujourd’hui ne va être ni trop longue ni trop difficile (ce en quoi j’ai tort mais je ne le sais pas encore).
Je sors de la ville en voyant mes premiers panneaux routiers indiquant « Menton » et commence à monter, je sais que j’ai une montée un peu dure jusqu’au Col du Razet, mais une fois que je l’aurai passé ça devrait aller. Je double une famille à deux reprises, parce que (encore une fois) je me suis planté de chemin et suis descendu et remonté pour rien dans un chemin en forêt, quel touriste.
Depuis ce matin il fait un grand ciel bleu et un grand soleil, heureusement pour l’instant je monte surtout à l’ombre des arbres. J’arrive enfin au col du Razet (1032m), la fin de la montée aura été bien difficile et me jambes souffrent déjà alors que ce n’est que le début de la journée.
Un peu plus tard et un peu plus haut, je passe la Colla Rossa (1102m), alors que chaque pas en montée me fait souffrir. Dans la descente, au détour d’un virage, les arbres s’estompent et que vois-je ? Cette fois pas de doute c’est la mer ! Qu’elle est proche, et qu’elle est belle aussi, Méditerranée tant attendue et que je contemple d’encore assez haut, horizon plat, ça change. Encore une fois je pousse un cri de joie. Euphorie. Je me mets même à rire, bonheur incontrôlable, il me faut plusieurs minutes pour me calmer.
Un peu plus bas, à La Mouga (820m), je consulte mes cartes, mince j’avais mal vu, en fait j’ai encore plus de 300m de montée avant de redescendre vers Menton, ça va être dur… Je mets mon cerveau en mode « off », allé j’en ai pour maximum une heure, on met un pied devant l’autre et on recommence et on réfléchit pas, et un pied devant l’autre, et on recommence… Dans les derniers mètres ce n’est plus difficile, c’est carrément douloureux pour les muscles.
Col du Berceau (1132m), je m’affale par terre le souffle court.
Je me relève pour découvrir la large vue sur la mer qui rempli mon champ de vision. En m’avançant j’aperçois même Menton bien plus bas, génial ! C’est beau vu d’en haut, et c’est la première fois que je vois mon point d’arrivée. Il ne reste plus qu’à descendre maintenant.
Il y a un gros dénivelé jusqu’en bas, mais ce ne sont pas les mêmes muscles qu’à la montée, mes jambes me portent sans mal et s’octroient même le plaisir de courir ou trottiner par endroit. Je glisse plusieurs fois sur ce chemin de pierre et de terre parfois un peu raide. Mais bon c’est la dernière ligne droite, et courir pour y arriver c’est un peu comme un sprint à la fin d’une longue course, c’est grisant, on se trouve des réserves d’énergie insoupçonnées.
820m, 460m, à chaque panneau le compteur diminue, les pattes fatiguent, petit à petit je vais y arriver. 320m, j’atteins la route, ça sent la fin. Je suis sur le haut de Menton, je vois de plus en plus de maisons, de gens et de voitures. Je me retrouve à passer par des ruelles et des raccourcis en escalier. Je me sens des ailes pousser : malgré mes jambes sciées, je cours à toute allure dans ces escaliers qui descendent.
Ça y est j’arrive, les dernières marques de GR et me voilà à la gare de Menton – Garavan ! (un poil déçu de ne pas voir un panneau du genre « fin du GR52 »).
Fin de rando ! C’est fou.. en fait c’est déjà fini, une once de tristesse se glisse dans ma joie d’en avoir terminé, sentiment assez étrange.
Direction la mer pour m’y baigner et vraiment sentir et sceller la fin de cette magique randonnée.
Je marche quelques minutes dans cette ville qui me paraît immense et surpeuplée après le calme esseulé des montagnes. Il fait une chaleur à crever à 0m d’altitude, je sue plus ici que dans la montée du Berceau. Je trouve une petite plage, il y a plein de monde (ça me déprime presque déjà). Je fais un peu tâche avec tout mon barda et mes chaussures de rando au milieu de ces gens en tongs et ces vieilles aux seins nus. Je me dis que j’ai tellement plus mérité qu’eux mon bain dans la Méditerranée aujourd’hui (difficile de ne pas être vaniteux en cet instant..).
L’eau est super bonne, presque trop chaude, c’est un vrai régal, surtout pour mes pieds que je malmène depuis 280km.
Je ne reste pas très longtemps, en fait je ne me sens pas bien au milieu de tous ces gens, Dieu que je n’envie pas leurs vacances !
Épilogue
Je suis dans le train. C’est trop, mais vraiment trop bizarre, le confort d’un siège douillet, avoir des gens à moins d’un mètre de moi, et surtout le fait d’avancer sans marcher pour la première fois depuis 13 jours. Très étrange aussi de se resservir de mon téléphone, j’ai l’impression de ne pas être habile du tout en écrivant des textos avec ces mains dont la principale activité ces deux dernières semaines a été de tenir des bâtons.
Violent retour à la civilisation.
Sans mentir cette randonnée m’a semblé longue d’un ou deux mois, c’est incroyable !
Totaux (parce que j’aime bien compter) :
283km dont 121km avec Pierre et 162km tout seul
15400m D+ dont 5800m D+ avec Pierre et 9600m D+ tout seul
16600m D- dont 6300m D- avec Pierre et 10300m D- tout seul