Trans’Alpina – partie 3 – Italie, (encore) Autriche et Slovénie

Trans’Alpina – partie 3 – Italie, (encore) Autriche et Slovénie

Je poste cette dernière partie un peu tard, plus d’un mois après la fin de la rando, elle risque d’être plus longue, il y a tellement de choses à raconter !

Je vais donc décomposer :

3.1 : Zillertal et Rieserferner.

17 août, je commence mon chemin dans ce sixième et nouveau pays, l’Italie, en quittant le tracé de la Via Alpina qui me semble faire un large détour en vallée, je choisis d’emprunter plutôt un sentier qui reste en altitude et qui comporte des passages assez escarpés. Je suis très content de mon choix, le chemin va s’avérer beau et sauvage, de hauts glaciers et presque personne !

Sur le conseil d’un couple d’alsaciennes qui font la Via dans l’autre sens je vais dormir au « Breninger Biwak », une petite cabane libre et bien entretenue au milieu de la montagne. Ce n’est que le deuxième petit refuge libre que je verrai de toute cette randonnée, les Alpes sont bien plus civilisées que les Pyrénées, tout les refuges sont gardés ! Néanmoins cette cabane vaut vraiment le détour, la vue y est magnifique, une large vallée dont on aperçoit les crêtes des Dolomites qui dépassent au loin. Au réveil, une mer de nuage s’installe pour offrir un beau spectacle pendant mon petit-déj.

Col à 2600m, pique-nique tout seul face aux glaciers, bonheur.
La vue depuis le Breninger Biwak, les crêtes des Dolomites dépassent au loin.
Et la même vue au petit matin, au-dessus de la mer de nuages.

37ème jour, à force de refuges et d’invitations, ça fait une semaine que je n’ai pas dormi dans ma tente, et après une belle journée ensoleillée je suis très content de la planter à nouveau, à 2400m sur un petit sommet herbeux, je suis tout seul et j’ai une vue incroyable sur la vallée et le massif du Rieserferner en face. Il fait frais et c’est un peu exposé au vent, mais me préparer mon dîner, seul face à ce panorama est un grand moment de bonheur.

Mon bivouac à 2400m, seul sur un petit sommet herbeux.

20 août, aujourd’hui je décide de tenter un raccourci, le tracé que je suis me semble faire un grand détour inutile, ça va s’avérer être une belle erreur : je me retrouve à longer une grande route pendant 5km, absolument pas faite pour les randonneurs, je suis en stress dès qu’une voiture passe et je contourne tant bien que mal les quelques tunnels, bien trop dangereux pour que je m’y risque. C’est probablement l’heure la plus horrible de toute la rando, ça m’apprendra !

Malgré le brouillard et les quelques averses je suis content d’être de retour sur le chemin de rando et je m’engage dans une longue montée, d’abord en forêt puis dans un joli cirque de hautes montagnes qui encercle un alpage plat où coule une rivière. En montant la température se rafraîchit et la végétation disparaît peu à peu, le vent souffle et me glace les mains. Je monte dans un univers de pierres, quelques ruisseaux coulent des névés et des glaciers, j’ai l’impression d’être dans Tintin au Tibet.

Tout en haut de cette montée se trouve le refuge « Rieserfernerhütte », à 2792m c’est le point le plus haut de la rando jusqu’à maintenant. Je vais aussi y passer la nuit la plus en altitude de ma vie ! Anecdote intéressante, le refuge étant assez difficilement accessible et la météo mauvaise, je me retrouve être le seul client du refuge ! Je vais donc y passer une après-midi et nuit bien au calme, avec notamment une douzaine de lits pour moi tout seul dans la chambre. 🙂

Astuce sur la route : marcher au-dessus des tunnels.
Univers de pierres, suis-je dans Tintin au Tibet ?
Je suis le seul client au Rieserfernerhütte, à 2792m.

La nuit suivante va s’avérer moins confortable et probablement pas vraiment autorisée : les grosses averses annoncées m’ont poussé à m’installer dans une petite église pour passer la nuit au sec, il n’y avait personne à qui demander l’autorisation..

Me voilà donc en train de me cuisiner de la purée aux girolles (cueillies ce matin en forêt), parterre dans la sacristie de l’église. Ce qui en fait probablement un des moments les plus improbables de ma vie !

Dîner dans un lieu improbable.
La verte vallée d’Anterselva, je comprends cette couleur quand je vois toute la pluie que je me suis tapée aujourd’hui !

3.2 : Les Dolomites !

41ème jour de marche, premier événement de la journée : selon mes estimations ce matin je passe la barre des 1000km de marche ! Voilà qui est complètement fou, je ne m’en rends pas compte moi-même.

Deuxième événement, je change de vallée et entre ainsi dans le massif et le parc national des Dolomites ! Je suis de retour dans ces montagnes incroyables, ces parois abruptes, cet univers minéral écrasant, berceau de l’alpinisme, de l’escalade et de la via ferrata. Je suis passé du granite au calcaire et la différence est très perceptible, à la forme des montagnes mais aussi aux pierres des chemins, plus blanches, plus abrasives et aussi plus glissantes, je fais d’ailleurs ma première chute de la rando où je tords un de mes bâtons.

Me voilà dans les Dolomites ! Les montagnes ont un aspect déjà bien différent.
La belle vallée du Rienztal que je viens de parcourir.

Cette région est magnifique mais malheureusement trop touristique à mon goût, certains « hauts-lieux » sont très fréquentés, comme le Lago di Braies, accessible par une route, je n’ai jamais vu autant de monde en montagne, et je suis de fait, incapable de profiter de la beauté du lieu.

Lago di Braies, beaucoup trop de monde à mon goût…

Heureusement tous ces « touristes » ne vont que dans les endroits connus et certains chemins sont bien plus tranquilles. Je sais que ce n’est pas bien mais je ne peux m’empêcher d’avoir un petit sentiment de supériorité sur ces gens qui marchent pas beaucoup plus de 3h depuis leur voiture, tandis que j’ai mis 6 semaines à arriver ici, je l’ai un peu plus mérité. Tant pis je l’assume. 🙂

Je ne le savais pas au début mais la Via Alpina passe au pied des Tre Cime di Lavaredo, ces « trois cimes » emblématiques du parc, je marche donc quelques km exactement sur le même chemin que l’an dernier, je m’amuse même à faire un petit détour pour essayer de prendre exactement la même photo, un an après.

De retour au pied des célèbres Tre Cime di Lavaredo.
Ces « Trois Cimes » aux faces nord si verticales et imposantes.
Un dernier regard sur ces pointes acérées en descendant vers Sesto, avant de changer de vallée.

3.3 : Le Karnischer Höhenweg !

Littéralement le « sentier d’altitude Carnique », cette partie de la rando va s’avérer être probablement ma préférée depuis le début : c’est un chemin de crêtes qui longe la frontière austro-italienne sur plus de 150km, et les chemins de crêtes en rando… bah ce sont vraiment les plus beaux ! Les panoramas, quelques vestiges de la première guerre mondiale, la solitude et cette impression de dominer le monde…

La vue porte loin au nord sur l’Autriche, au sud sur l’Italie et les pointes des Dolomites, le sentier passe par de nombreux sommets à plus de 2500m, et est plus sauvage, ça fait du bien de se retrouver un peu seul après le monde dans les Dolomites. Je croise d’autres randonneurs, mais surtout des marcheurs au long court, sur le sentier pour quelques jours, une semaine, 11 jours… avec qui je connecte beaucoup plus, car dans le même état d’esprit (on se reconnaît de loin avec les gros sacs de rando 😁).

Quelques moments magiques de ces 7 jours sur le Karnischer Höhenweg (KHW pour les intimes) :

  • 44ème matin, surplomber la mer de nuages dont dépassent les Dolomites au sud :
  • 45ème jour, le soleil se lève sur ma crête mais les nuages y restent accrochés au nord, j’ai l’impression de dominer le monde :
  • 46ème jour, baignade fraîche mais délicieuse dans le Wolayersee (1800m) :
  • 47ème nuit : le bivouac (interdit) sur la rive du Grünsee, solitude dans un lieu magique :
  • 48ème jour, marcher avec d’autres randonneurs, cueillir des framboises sauvages, aimer sa vie.

3.4 : La Slovénie !

C’est en milieu de journée du 50ème jour que j’atteins le « tri-point », point frontière entre l’Autriche, l’Italie et la Slovénie, et je rentre ainsi dans mon 7ème et dernier pays de la rando !

Tri-point, Dreiländereck, je suis dans trois pays à la fois !

« Last but not least » diraient nos amis anglophones, ce pays va s’avérer magnifique et sauvage, plus sauvage que tout le reste de la rando.

En changeant de vallée je pénètre dans le parc naturel du Triglav et le massif des Alpes Juliennes, j’y retrouve les parois abruptes faites de calcaire, c’est déjà le pied.

Je passe ma première nuit slovène au refuge Dom v Tamarju, cerclé de hautes parois abruptes.
À 2,50€ la pinte mon rituel de fin de journée n’est pas près de s’arrêter !

1er septembre, 51ème jour, une très longue journée, je pense que ça vaut le coup de la raconter en détails :

Je commence la journée par une belle montée au Smelenova Spica, premier sommet slovène à 1909m, qui m’offre une très belle vue, notamment sur le Jalovec, un sommet dont la forme n’est pas sans rappeler le Cervin.

Je redescends ensuite jusqu’au col routier de Vršić (ne me demandez pas comment ça se prononce), où je vois bien trop de voitures et de motos à mon goût. Puis j’entame une très longue descente en forêt jusqu’au village de Trenta, à 620m d’altitude, juste avant d’y arriver je ferai une délicieuse baignade dans l’eau cristalline de la rivière Soča, je suis encore près des sources et elle est très fraîche.

Je suis à Trenta vers 13h, j’y fais une pause à la pizzeria au soleil, j’étais affamé mais je n’arrive tout de même pas à terminer ma pizza avec mon estomac rétréci.

Je commence mon aprèm avec l’objectif d’arriver au refuge Doliču, 1500m plus haut, et ça ne va pas être de la tarte ! La pluie que je craignais se met à tomber dru, les éclairs et l’orage s’invitent pour mon plus grand déplaisir, trempé et apeuré je continue tout de même à monter, il n’y a pas d’abri avant le refuge. J’y monte à grandes enjambés, espérant y être au plus tôt, résultat je suis aussi trempé de sueur a l’intérieur de ma veste. Cette montée est vraiment infernale, seul avantage, le chemin n’est pas technique et il y a peu de risque de glisser..

Après 2h40 de peur et de calvaire (je crois que je ne suis jamais monté aussi vite), j’arrive enfin au refuge, je n’ai jamais été aussi content de trouver un abri de ma vie !

Résultat des courses, 30km et 2700m D+, une de mes plus longues journées, et malgré mon sursac la pluie a pénétré un peu mon sac et mouillé une partie de mes affaires, heureusement sans gravité, j’ai quand même de quoi me changer. J’ai du mal à penser que ce matin je me trempais volontairement dans la rivière… en fait c’est comme si j’avais fait deux journées en une.

Ce matin, vue sur le Jalovec, le Cervin slovène.
Baignade dans l’eau cristalline (et fraîche) de la Soča.
Pause déj à Trenta, pour l’instant cette journée est parfaite.
Mais c’était sans compter sur l’orage, les éclairs et la pluie violente dans la longue montée au refuge.

Le lendemain matin je me lève aux aurores pour faire l’ascension – relativement escarpée – du Triglav, à 2864m c’est le sommet de la Slovénie et mon point le plus haut de toute la rando ! À cet endroit je suis plus haut que tous les gens qui se trouvent en Slovénie. J’étais parti tôt pour éviter le mauvais temps mais quelques minutes de pluie ont suffi à mouiller la pierre et je fais particulièrement attention à ne pas glisser en descendant.

Triglav, sommet de la Slovénie, 2864m.
Univers de pierres et mer de nuages, que de gris !

Le soleil est vraiment mon meilleur ami en rando, il va m’accompagner les trois jours suivants, ça change tout quand il est là ! Le ciel bleu radieux, les paysages magnifiques, le confort de sa chaleur, le plaisir de ne pas être mouillé…

Toute la 53ème journée sur la crête « Bohinjske Gore » sera une de mes préférées, alterner crêtes et sommets, avoir une vue magnifique sur le Triglav et toutes ses pierres au nord, et sur les collines et les forêts vertes au sud. Je marche presque 10h sans m’en rendre compte, seul, au soleil, en hauteur, je suis juste bien.

En continuant mon chemin vers le sud, je sors du parc naturel et ma solitude continue, je ne croise presque plus personnes, à part quelques randonneurs au Porezen (1632m), mon dernier sommet un peu haut, et quelques fermiers quand je traverse des villages, c’est sauvage et ça me plaît !

Une journée magnifique sur la crête Bohinjske Gore.
Au nord la vue sur le lac de Bohinj et le massif du Triglav.
Au sud des forêts et vallons verdoyants, ici depuis le sommet du Porezen.
La crête sur laquelle je marchais hier, vue depuis le sud, au fond dépasse encore le sommet du Triglav où j’étais avant hier matin !
Je ne croise rien ni personne à part quelques vaches et hameaux de fermiers.
Le pays est de plus en plus plat et je marche souvent sur des petites routes désertes, me disant que j’aimerais bien être à vélo.

J’adore la Slovénie, j’adore les montagnes slovènes, et j’adore les slovènes tout court !

Encore une fois je vais faire des rencontres géniales et incroyablement généreuses : ce soir, à Ledine, c’est Sonja, Mihael et leurs jumeaux de 20 ans, Izabela et Aljaž qui m’hébergent pour la nuit, m’invitent à dîner et à petit-déjeuner. Le lendemain, à Javornik, c’est Soeur Rebeka qui revient me chercher en voiture pour m’héberger et me cuisiner à dîner dans sa pension. Je dois avoir un ange gardien qui me met des gens aussi généreux sur ma route… En plus de tout ce qu’ils m’offrent, ces gens, qui habitent ici depuis toujours, qui me racontent un peu leur vie, sont pour moi des rencontres passionnantes et enrichissantes.

Mes généreux hôtes à Ledine : Sonja, Mihael, Izabela et Aljaž
Et le lendemain, Sister Rebeka, la générosité slovène ne semble pas avoir de limite !

La fin de cette randonnée va s’avérer plutôt chaotique : la météo se gâte, la pluie est annoncée, et je me rends compte que j’ai oublié ma veste imperméable dans un refuge il y a 4 jours ! Quelle erreur stupide, c’est interdit des oublis comme ça, je m’en veux, je peste, je râle, je rumine mon erreur… mais je continue à avancer.

Quand l’averse arrive pour de vrai je trouve une solution de fortune, pas idéale du tout, mais mieux que rien, voyez plutôt :

À ce moment je ne le sais pas encore mais je vais vite avoir froid aux bras, et surtout à la tête..

Samedi 7 septembre, la pluie est encore annoncée pour l’après-midi, alors je marche vite ce matin, espérant l’éviter, je me rapproche de la mer, le chemin est de plus en plus plat, ça me permet de tenir un bon rythme.

Je vais notamment passer par l’attraction touristique des grottes de Škocjan, mais je ne m’arrêterais que quelques minutes en haut de la belle falaise, tant qu’il fait beau je préfère marcher. Divača, Lokev, Prelože, je passe ces petits villages sans même m’arrêter pour déjeuner.

Krvavi, sur une route passante je passe ma dernière frontière de cette rando, et suis ainsi de retour en Italie, au revoir la Slovénie, pays magique quand il ne pleut pas.

14h, j’ai de la chance, le soleil n’est entravé que par quelques courtes averses, alors je continue à marcher. La dernière montée de cette rando m’offre ma première vraie vue sur la baie de Trieste et la mer, c’est incroyable, je suis euphorique, je crie ma joie et ai les larmes qui montent aux yeux, pour la première fois l’arrivée est en vue ! 😀

Je ne l’imaginais pas du tout ce matin mais je vais probablement aller jusqu’au bout aujourd’hui finalement, je continue à marcher, parfois même courir un peu, autour de moi c’est de plus en plus urbanisé, et en cette fin de journée je fais même mes derniers kilomètres au bord de la route.

Muggia, ça y est, j’y suis, je passe dans le centre-ville et rejoins la mer, il est 18h et j’ai marché presque 10h et 43km aujourd’hui, clairement ma plus longue journée !

Mais ça y est, c’est fini ! Cette rando de dingue est terminée ! Je n’en reviens pas ! Je suis tellement content ! Je la clôture par une baignade dans la mer Adriatique, elle est super bonne comparée à mes lacs de montagne…

Quand je me baignais dans le lac Léman il y a 57 jours, c’était dans une autre vie, c’est sûr.

Le chemin est de plus en plus plat, bientôt la fin !
Les grottes de Škocjan, au pied d’une abrupte falaise.
Baie de Trieste, première vraie vue sur la mer, euphorie, folie.
0m, Muggia, la mer Adriatique, l’arrivée ! I did it ! 😀

3.4 Épilogue

Ai-je vraiment marché pendant 57 jours d’affilée ? A travers 7 pays ? Sur près de 1500km et 80km de D+ ? En tout cas je ne le réalise absolument pas…

Ce qui est sûr c’est que je suis content d’être arrivé, que mes jambes aussi sont contentes de pouvoir enfin se reposer. Je vais passer deux jours tranquilles à Muggia, repos, baignade, restaurant, pas de marche et pas de sac à dos, ça fait du bien.

Je suis content et paradoxalement un peu triste que ce soit terminé, la fin d’une randonnée magnifique, une incroyable aventure à travers les Alpes.

Le lendemain, lever de soleil à Muggia.

8 réactions au sujet de « Trans’Alpina – partie 3 – Italie, (encore) Autriche et Slovénie »

  1. Magnifique cette 3ème partie de ton périple alpin, j’ai une impression d’avoir un peu voyagé avec toi ce matin.
    Les très belles photos offrent efficacement les différentes atmosphères alpines, un bain de Nature en vert et bleu, rafraîchissant 😊 Bravo Tanguy ..

  2. Dear Tanguy,
    I just did my photobook of Karnischer Höhenweg and I rememered our pleasant trip together.
    What´s about your biking tour to Greece. Did you do it? Hope you´re well.
    Barbara

    1. Hello Barbara,
      Happy to hear from you ! 😀
      I would be pleased to see some of your pictures of the KHW.
      It was indeed an awesome trip, did you recognize the photo of me you’d taken ? 🙂
      I hope you could read this article, in spite of the french writing.

      And yes I did my bike tour to Greece, it different but awesome too ! I haven’t yet finished to write it but almost, and I will publish an article about it soon.

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